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28 juin 2010 1 28 /06 /juin /2010 22:00

passcontra.jpgAu cours de la session régionale d’aujourd’hui, de nombreux sujets furent évoqués.

L’ordre du jour était large et dense… il est donc peu probable que la presse évoque l’un des sujets présenté en fin de session.

En l’occurrence, il s’agissait de voter à nouveau aujourd’hui le projet de « Pass Contraception » destiné à prévenir les grossesses précoces chez les jeunes filles mineures de notre région.

 

Commençons par dire l’importance de cet objectif : l’augmentation de 25% entre 2005 et 2007 du nombre de grossesses précoces chez des mineures est un signal que les responsables politiques doivent voir pour mener une action efficace de prévention et d’accompagnement.


Je ne partage pas les choix proposés, non pas sur cet objectif, mais sur le principe d’une action régionale et sur les modalités de cette politique.

 

Sur le principe d’une politique régionale tout d’abord.

C’est devenu une habitude de revendiquer une action tout azimut de ce conseil régional. Loin de moi de refuser de nouveaux champs d’action… encore faut-il que cette action ne fragilise pas nos institutions nationales.

 

En l’espèce, voter sur le budget de la région le financement de consultations médicales s’apparente à un amateurisme problématique :

  • 1/ Amateurisme lorsque la région fait le choix, il suffit de lire la délibération, de réserver ces consultations aux seuls médecins libéraux : pourquoi la prévention ne serait elle pas possible dans le cadre de consultations hospitalières ? avons-nous conscience que cette discrimination se traduira mécaniquement par des baisses d’activité dans les services hospitaliers qui n’ont pas besoin aujourd’hui d’être fragilisés et mis à l’écart ? ;
  • 2/ Amateurisme lorsque l’on découvre le guide d’utilisation « La démarche anonyme et volontaire de la jeune fille se situe hors du parcours de soins institué par la Sécurité sociale »… sous couvert de volontariat, nous pouvons porter atteinte à la cohérence du suivi médical, ce qui peut accroitre le risque d’un nomadisme préjudiciable à tous ;
  • 3/ Amateurisme enfin, lorsque chaque région se met à ouvrir la porte à une couverture maladie variable selon ses options. L’ile de France vote un Pass Contraception pour les jeunes filles de 2nde, Ségolène Royal imagine son dispositif dès le collège, d’autres régions demain pourront ajouter leur originalité dans des logiques locales… tout cela n’aura comme première conséquence que de rendre les pratiques variables donc inégales selon les lieux et illisibles pour les utilisatrices.

 

Nous ne pouvons pas accepter de rentrer dans une logique qui contourne donc fragilise notre sécurité sociale. Les plus libéraux en ont rêvé, c’est cette majorité régionale socialiste qui en sera l’artisan zélé ! Faut-il rappeler que la gestion paritaire de notre sécurité sociale, et le vote parlementaire des budgets et des politiques de santé ne sont pas des archaïsmes ? Ils sont, au contraire, la garantie de l’égale attention apportée à chacun dans tous les points du territoire. Pour ce qui me concerne, il m’a semblé que nous ne pouvions pas cautionner une orientation qui instrumentalise avec autant de légèreté un tel enjeu.

 

pilule.jpgSur les modalités de cette politique

 

La région fait le choix de baser la politique de prévention sur un accès anonyme et gratuit aux médecins susceptibles de délivrer une prescription de contraceptifs.

Cette orientation est sûrement plus pertinente que la précédente version dans la mesure où elle place le médecin traitant dans une position privilégiée.

 

Ceci ne suffit cependant pas à permettre une action adéquate car celle-ci devrait être globale, parfois pluridisciplinaire. La politique choisie se fait surtout dans le dos des familles et des parents, ce qui est une méconnaissance grave des enjeux liés à la sexualité adolescente.


Lorsque l’on parle de sexualité adolescente, il s’agit de sexualité donc, certes, de question sanitaire, mais il s’agit aussi  d’adolescents donc d’éducation… et il n’y a pas d’éducation sans intégrer les parents !

Ces dernières années, notre pays a vu sa difficulté à accompagner des jeunes en recherche dans une société en crise. L’enseignement tiré de ces difficultés est avant tout l’ardente obligation de ne plus fragiliser les familles et d’aider les parents dans leur rôle.

Il y a quelques années, notre Présidente du conseil régional avait eu des mots forts, et censés !, pour tracer quelques pistes[1]. Je cite : « tout s’apprend, même le métier de parent » ; dans la crise actuelle « tout part de l’incohérence des adultes référents vis-à-vis des enfants. Quand on ne dit pas la même chose à l’école, dans la famille, dans les institutions, alors il n’ya plus de norme qui tienne »

Pour arriver sur cette conclusion, que nous partageons « la clé, c’est l’articulation entre l’école et la famille ».

Je ne peux que regretter que le projet de Pass Contraception tourne le dos à ces justes remarques.

 

L’enjeu pour les questions d’adolescents est justement de trouver les moyens pour créer du lien là où la vie peut rendre difficile le dialogue entre un jeune et ses parents. Je n’ignore pas que la loi permet la prescription de contraceptif ou le recours à l’ivg sans l’accord des parents. Mais ce serait une erreur de penser que l’on peut lancer toute une politique en contournant les parents, ce qui est une manière claire de délégitimer leur autorité.

On peut imaginer deux types de cas de figure :

1/ une famille où le dialogue existe, où les questions affectives et sexuelles sont évoquées et abordées. On voit mal dans ce cas pourquoi une procédure devrait permettre et favoriser le contournement a priori des parents ;

2/ une famille où le dialogue est difficile et où les questions amoureuses sont taboues. Ne nous voilons pas la face, il y a des familles qui blessent les adolescents, il y a des familles qui ne savent pas donner la parole aux jeunes, qui ne savent pas comment s’y prendre  pour évoquer des questions intimes…

Les éducateurs et/ou les psychologues, en complément du personnel médical, peuvent, dans ce cas, mettre sur la table des questions, ils peuvent contribuer à rendre possible des actions, ils peuvent surtout agir pour libérer la parole et faire que des tabous ne soient pas un frein à un dialogue éducatif.

 

Pour ce qui est des cas les plus difficiles, une agence nationale comme l’ANESM a d’ailleurs édité il y a peu un ensemble de recommandations professionnelles pour favoriser l’exercice de l’autorité parentale.

D’un côté, nous voyons que nous sommes dans la nécessité de favoriser les liens constants avec les familles, de l’autre la politique régionale se base sur un contournement des parents.

 

jeunes_amoureux.jpgA mon sens, la question de la sexualité adolescente ne doit pas se limiter à des recettes. Lorsqu’un homme comme Boris Cyrulnik fait remarquer que « Les garçons ont un modèle d’apprentissage de la sexualité où la violence est une vertu [2]» comment  peut-on mettre en place une politique sur la sexualité adolescente sans se soucier à aucun moment du comportement masculin ?

Lorsque le même Cyrulnik remarque que certains garçons chercheront le risque dans la drogue et la violence, il ajoute « Chez les filles, le scénario comportemental est le même, mais la prise de risque passe par la sexualité. »… comment peut-on alors penser que la vraie politique à mener puisse être autre chose qu’une politique d’éducation à l’amour, d’apprentissage du corps et de valorisation du respect de soi et de l’autre ?


Nous ne pouvons que regretter que la préoccupation légitime de trouver des actes pour prévenir les grossesses précoces se traduise par un chéquier. On ne réglera pas une question d’éducation sans créer du lien, on ne réglera pas les questions de liens sans les parents.





[1] Ségolène ROYAL interview à La Croix les 26 et 27 novembre 2005

 

[2] http://hebdo.nouvelobs.com/sommaire/dossier/054898/arretez-de-culpabiliser.html

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commentaires

P
<br /> <br /> Discours d'une rare justesse de la part d'un politique !<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> merci!<br /> <br /> <br /> <br />